"La liberté n’est pas l’absence d’engagement, mais la capacité de choisir" - Paulo CUELHO
"L'inégalité est le résultat de la compétition entre technologies et éducation" - Jan TINBERGEN
"L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas" - Jacques RUEFF
"Les gouvernements ont une vision très sommaire de l’économie. Si ça bouge, ajoute des taxes. Si ça bouge toujours, impose des lois. Si ça s’arrête de bouger, donne des subventions" - Ronald REAGAN
"En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal" - Nicolas MACHIAVEL
"La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, et pas une création du besoin" - Gaston BACHELARD
"Un économiste est quelqu’un qui expose l’évidence en termes incompréhensibles" - Alfred KNOPFT
"Le socialisme est une philosophie de l'échec, le crédo de l'ignorance et l'évangile de l'envie " - Winston CHURCHILL
"Le problème avec la réduction des impôts sur le revenu c’est que ça stimule suffisamment l’économie pour que tout le monde rentre dans la tranche supérieure" - Harold COFFIN
"Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures. Sous le socialisme, les gens ont davantage de parkings " - Winston CHURCHILL
5 juin 2020
La France, grande puissance mondiale, dispose de plusieurs atouts pour continuer à jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. Des atouts qui sont bridés par un aveuglement idéaliste et une technostructure administrative, empêchant chacun le plein développement de ces potentialités.
Par Jean-Baptiste Noé, IdL
1/ Formation et éducation. Un atout en désespérance.
La culture, les arts et l’intelligence sont des secteurs qui font la renommée du pays et qui participent de son rayonnement international. Que ce soit les écrivains, les philosophes ou les historiens, il y a un savoir-faire et un savoir penser français qui porte la puissance culturelle à l’étranger. Dans la librairie Feltrinelli de la gare Termini, à Rome, le rayon livres d’histoire est occupé par de nombreux auteurs français (Bloch, Braudel, Le Goff…). Le rayon littérature comprend lui de nombreux écrivains français. À Harvard, la librairie située en face de l’entrée de l’université propose elle aussi de nombreux auteurs, notamment dans le domaine de la philosophie : Derrida, Debray, Girard… C’est Alexis de Tocqueville qui fut l’un des premiers à parler de la puissance culturelle, dans sa Démocratie en Amérique, avant que ce concept soit repris au XXe siècle par Joseph Nye sous le terme de soft power. Or, la capacité à penser et à comprendre le monde est essentielle, d’une part pour infuser ses idées, d’autre part pour anticiper les problèmes à venir. Mais pour avoir de grands penseurs, il faut avoir une école qui fonctionne. Pour avoir de grands écrivains, il faut être en mesure d’apprendre à lire correctement aux enfants. La faillite réelle et grandissante de l’Éducation nationale est à ce titre un grave problème pour la survie de la culture française et du maintien de la France comme grande puissance mondiale. Les derniers rapports internationaux sont très mauvais. L’étude TIMSS (2016) qui analyse la maîtrise des mathématiques classe la France 22e sur 22 des pays de l’OCDE. L’étude Pisa 2016 sur la maîtrise de la langue maternelle classe la France 26e sur 70 et dernière des pays de l’OCDE. Ces données sont alarmantes ; elles sont la conséquence directe du monopole éducatif.
Il ne peut pas y avoir de grands pays avec un peuple analphabète et incapable de maîtriser les bases de la pensée et de la réflexion. D’un système scolaire en faillite ne peuvent sortir ni ingénieurs, ni médecins, ni scientifiques, ni ouvriers de qualité. L’intelligence et la culture ont longtemps été les atouts de la France. Compte tenu de la destruction de l’école, ces atouts sont aujourd’hui en désespérance.
Sur l’ensemble des dossiers chauds des dix dernières années, la réflexion géopolitique française a été systématiquement mise en échec. Incapacité à penser la possibilité du Brexit et de l’élection de Donald Trump. Incapacité à penser le maintien au pouvoir de Bachar al-Assad (les spécialistes de la Syrie et les diplomates ayant affirmé pendant presque six ans qu’il allait bientôt partir). Faillite intellectuelle aussi face à la Libye, la crise migratoire, l’islamisme, à quoi s’ajoutent les angles morts de l’analyse géopolitique : l’Asie et l’Amérique latine. Sur tous ces sujets essentiels, c’est le vide intellectuel. Déjà en 1938 aucun des intellectuels proclamés n’avait vu venir le danger du nazisme et du communisme et la guerre mondiale.
Réfléchissant aux causes de la défaite de 1940, March Bloch, l’immense historien fondateur de l’école des Annales avec Fernand Braudel, écrivit L’étrange défaite. Il attribua à la faillite de l’école et de l’université la faillite intellectuelle de la France, l’aveuglement des élites et donc le désastre de 1938-1940. Plein d’espérance pour l’avenir, celui qui s’engagea dans la résistance et mourut fusillé en 1944, pensait qu’il était essentiel de rénover le système universitaire pour redonner un poids diplomatique et géopolitique à la France.
C’est effectivement par l’école que tout commence. Il y aurait urgente nécessité à créer une école d’analyse stratégique et géopolitique pour former des personnes capables de réellement penser les problématiques contemporaines et ne plus répéter les erreurs qui tournent depuis 2001. Le 6 décembre dernier, le centre de recherche de Saint-Cyr a organisé un colloque sur le réalisme en diplomatie. Outre la qualité des intervenants, il est rassurant de voir que la notion de réalisme est encore portée dans les écoles de formation d’officiers.
2/ La mer. Un atout sous-exploité
La France est une grande puissance maritime et non pas seulement continentale. Elle dispose d’une large ouverture littorale sur l’océan et la Méditerranée, les portes de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Asie. Elle dispose aussi d’un espace outremer considérable, autant d’îles et de Zones économiques exclusives (ZEE) essentielles pour sa puissance et son rayonnement. La ZEE est un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources. Définie par la convention de Montego Bay (1982), elle s’étend à partir de la ligne de base des États jusqu’à 200 miles marins (soit 370 km). Au-delà, il s’agit des eaux internationales.
Avec plus de 10,1 millions de km², la ZEE de la France est la deuxième au monde, derrière les États-Unis (11,3 millions de km²). La ZEE française couvre 8% de la ZEE mondiale. C’est là un atout stratégique considérable, quoiqu’encore sous-exploité. La mer est une zone encore largement méconnue. Les fonds marins ne cessent de livrer leurs secrets et leurs richesses, leurs fantasmes et leurs illusions. Ces iles stratégiques héritées du passé sont essentielles aujourd’hui pour l’entretien de bases maritimes et le repos de la flotte. Reste pendante la question du second porte-avion. Une puissance maritime se doit nécessairement d’en avoir deux, d’autant qu’un porte-avions est régulièrement au repos pour entretien. Depuis plus de quinze ans que se pose la question d’un second bâtiment de ce type, il est urgent de la trancher en délivrant enfin les crédits nécessaires à sa construction.
La puissance maritime de la France se manifeste également dans l’aménagement de son territoire. La France dispose à ce titre de deux axes majeurs : la Seine et le Rhône. La Seine avec ses trois ports : Le Havre, Rouen, Gennevilliers. Rouen est le premier port de céréales d’Europe. Gennevilliers est le port de Paris, qui est en train d’être étendu à Achères, le long de la vallée de la Seine. Un port est puissant en raison de son hinterland, non en raison de sa façade maritime. L’Ile-de-France est la première région économique d’Europe et une grande région scientifique. La Seine est ensuite reliée par canaux au Rhône et au Rhin. Des canaux qu’il faut encore aménager et agrandir. L’axe fluvial doit être un atout majeur de l’organisation du territoire français, car il est moins cher et moins polluant que le transport par fer et par route.
L’autre axe est le Rhône, avec Lyon et Marseille. Cette dernière est le premier port de Méditerranée. Couplée avec la zone de Fos-sur-Mer, sur l’étang de Berre, Marseille est un grand port pétrochimique. Une belle endormie aussi, la ville étant gangrénée par la CGT et les dockers, qui ont tout fait pour étouffer les potentialités de la ville. Lyon est l’autre grande ville de la chimie, avec Rhône-Poulenc (devenu Aventis), Boiron et de nombreuses autres entreprises. Le trafic fluvial du Rhône est lui aussi essentiel pour le développement du pays.
Enfin, il y a les trois ports militaires que sont Brest, Lorient et Toulon et le port commercial de Dunkerque, véritable ville industrielle de grande puissance. La modernisation et l’aménagement des ports sont toujours une nécessité, car c’est un secteur qui ne cesse d’évoluer.
La réflexion sur la Nouvelle-Calédonie doit amener la France à mieux réfléchir à son espace et à son positionnement mondial. L’Asie et l’océan Pacifique restent des impensés de la réflexion stratégique et géopolitique, alors même que la France y dispose de territoires et qu’une partie essentielle de l’avenir du monde s’y joue.
3/ Les entreprises : un atout à libérer
Dernier grand atout de la France, la qualité de ses entreprises. Sur bien des sujets diplomatiques, les entreprises françaises font preuve d’un plus grand réalisme que l’administration française. Ainsi de Total, dont Christophe de Margerie a toujours été opposé aux sanctions économiques. Son amitié avec Vladimir Poutine était réelle, fondée notamment sur les intérêts bien compris de la Russie et de Total. En avril 2017, Vladimir Poutine a inauguré un méthanier géant, portant le nom de Christophe de Margerie. Sur l’Iran, les entreprises françaises ont là aussi été plus réaliste que la diplomatie française.
Que ce soit pour le contrôle et l’exploitation des ressources (comme l’uranium au Niger), la gestion des infrastructures (Bolloré et les ports africains), la diffusion de la culture française, les entreprises privées jouent un rôle essentiel. Le Japon est ainsi le pays qui a le plus de restaurants trois étoiles au Michelin, devant la France. Mais la plupart de ces restaurants sont tenus par des Français, notamment par Joël Robuchon.
Pour assurer un plein développement de ces entreprises à l’international, il est essentiel de les libérer afin qu’elles puissent croître davantage. Baisser les charges salariales et patronales, réduire le Code du travail, supprimer les normes… autant de mesures indispensables pour relancer les entreprises, leur permettre de se développer et de jouer dans la cour mondiale. Sur ce point, il est également indispensable que les Français puissent investir dans des TPE et des PME, ce que l’absence de fonds de pension et la complexification de la législation fiscale rendent difficile. L’atout entrepreneurial est lui aussi bridé.
Éducation, mer et entreprises sont trois atouts de la puissance française qui, comme de nombreux atouts français, sont bridés et réfrénés. On peut se prendre à rêver qu’ils soient libérés et développés, ce qui ne pourrait qu’améliorer les conditions de vie de la population.